
I – QUI SE CACHE DERRIÈRE CETTE INITIATIVE ?


II – UN CONTRAT D'ÉDITION ÉQUITABLE POUR FAIRE QUOI ?


D'habitude, c'est la ME qui vous envoie un contrat. Mais ça ne veut pas dire que vous ne pouvez pas leur proposer un modèle de contrat. D'ailleurs, les auteur·ice·s qui se font assister d'un·e agent littéraire font bien souvent rédiger un contrat sur mesure. Alors pourquoi pas vous ?

Tout le monde ne maîtrise pas le jargon juridique propre à un contrat et encore moins les droits de cession (c'est-à-dire, les droits que vous cédez). Or, vous allez signer un contrat qui cédera certains de vos droits à la ME pour une durée déterminée ou non. En ayant conscience des implications, vous serez plus à même de déceler les arnaques éventuelles.

Si vous n'y connaissez rien au contrat d'édition et que vous ne disposez pas d'un outil de comparaison et de négociation, vous vous retrouvez démuni·e·s face au service juridique d'une ME. Mais si vous possédez un contrat de base, jugé équitable par un organisme qui lutte pour la protection des auteur·ice·s, vous avez entre les mains un outil de comparaison, mais aussi de négociation, précieux.

Bien évidemment, ce contrat équitable est là pour préserver vos intérêts. Comme je le disais précédemment, la Ligue des auteurs professionnels lutte pour les droits des auteur·ice·s à différents niveaux ; elle est là pour vous soutenir. Le contrat d'édition équitable n'est en aucun cas une imposition, c'est une recommandation, un outil au service des auteur·ice·s.
III – LE CONTENU DUDIT CONTRAT




Forcément, quand vous signez un contrat, vous vous engagez autant qu'une ou plusieurs autres personnes ou organismes : ce sont les parties. Ces parties s'engagent sur un sujet donné, en l'occurrence votre œuvre.

Késako ? Liminaire (et pas luminaire...) signifie « qui est placé au début d'un ouvrage, d'un discours, etc. », en l'occurrence ici, en début du contrat. L'article liminaire rappelle que les dispositions contractuelles qui sont détaillées dans le contrat seront exécutées et interprétées dans le respect de l'article L.132-17-8 du Code de la propriété intellectuelle. Je vous rappelle que Clow a consacré un article à l'analyse des droits d'auteur et au code de la propriété intellectuelle, ça vous aidera à mieux comprendre les enjeux.

Ce premier article est décomposé en 6 points :
1.1 - L'auteur·ice cède le droit de reproduction de son œuvre, à l'exception des droits de représentation et d'adaptation audiovisuelle. Si toutefois vous souhaitiez les céder, la Ligue conseille de le faire dans un autre contrat, adapté, pour lequel elle ne fournit pas (ou pas encore) de modèle. En revanche, la Société des Gens De Lettres (SGDL) fournit un modèle pour des contrats de ce type.
1.2 - Le contrat précise la durée de la cession de vos droits (c'est-à-dire la durée pendant laquelle vous cédez vos droits). La Ligue conseille de limiter cette durée à 10 ans au maximum. Le délai commence dès la signature du contrat par tous les intervenants.
1.3 - L'auteur·ice déclare que son œuvre est, à sa connaissance, entièrement originale, qu'elle n'est pas déjà sous contrat ou encore sous contrat auprès d'une autre ME. Le « à sa connaissance » signifie que vous ne disposez pas d'informations, au moment de la signature, qui vous permettent de démentir l'originalité de votre œuvre. Si, par hasard, une autre personne a eu une idée similaire à un moment donné, vous n'en avez pas connaissance et vous ne vous en êtes pas inspiré·e.
1.4 - L'éditeur·ice s'engage à assurer les frais nécessaires à la publication de votre œuvre sous forme imprimée et à en faire la diffusion (publicité) nécessaire. Comprenez donc que ce contrat concerne bien un livre papier. Si vous souhaitez une diffusion en ebook ou en livre audio, des clauses supplémentaires doivent être ajoutées au contrat ou doivent faire l'objet d'un contrat spécifique. La Ligue ne fournit pas de documents à cette fin actuellement.
1.5 - L'éditeur·ice s'engage à faire apparaître le nom ou pseudonyme de l'auteur·ice sur tous les exemplaires de l'œuvre (ça paraît logique, mais mieux vaut que ce soit une clause contractuelle).
1.6 - Et enfin, pour cet article 1, l'éditeur·ice ne pourra exercer les droits que vous lui avez cédés que dans le respect de votre droit moral. Je vous conseille de regarder cette petite vidéo didactique, réalisée par la Ligue des auteurs professionnels, concernant le droit d'auteur. Elle explique en quoi concerne le droit moral, qui est perpétuel, inaliénable et imprescriptible (les termes sont expliqués dans la vidéo).

2.1 - L'auteur·ice s'engage à remettre à l'éditeur·ice un manuscrit complet et définitif à une date butoir fixée dans le contrat. La Ligue introduit une clause supplémentaire qui protège l'auteur en cas de retard.
2.2 - Les fautes de composition ou de saisie sont TOUTES à charge de l'éditeur·ice. Iel vous remettra des épreuves (des brouillons si vous voulez, jusqu'à l'épreuve définitive qu'on appelle bon à tirer, autrement dit le manuscrit prêt pour l'impression) que vous devrez lire et corriger dans un certain délai, prévu dans le contrat.
2.3 - (option) Si vous et votre éditeur·ice envisagez des mises à jour ou des rééditions de l'œuvre, prévoyez-le dans le contrat. Ou, si ça intervient plus tard, pensez à faire un avenant du contrat (une mise à jour si vous préférez).

3.1 - L'éditeur·ice se réserve tout ce qui est relatif à l'objet livre, entre autres : format, prix de vente, collection, date de mise en vente... En revanche, iel devra vous demander votre autorisation préalable pour la présentation, la couverture, le titre et les divers textes promotionnels (quatrième de couverture, rabat, affiche...). Si vous tardez à donner votre accord (délai conseillé de 15 jours par la Ligue), il est réputé favorable (donc c'est comme si vous étiez d'accord si vous ne répondez pas dans le délai fixé - ce que je juge assez injuste, personnellement).
3.2 - Le tirage (nombre d'exemplaires) est fixé par l'éditeur·ice. En revanche, le nombre minimum d'exemplaires est indiqué dans le contrat.
3.3 - L'éditeur·ice aura besoin de tout ou d'une partie de votre ouvrage pour différents usages, notamment pour l'archivage ou la promotion. Le contrat l'y autorise pour autant que l'éditeur·ice vous communique les informations préalablement à leur diffusion.
3.4 - L'éditeur·ice reste propriétaire de tous les éléments de fabrication qu'iel aura établis ou fait établir pour la publication du livre et vous restez propriétaire des éléments que vous avez établis.
3.5 - Sous réserve de votre autorisation, l'éditeur·ice peut accorder des autorisations de reproduction et de représentation de votre œuvre, dans la limite des droits que vous lui avez cédés par contrat, bien entendu.
3.6 - Si vous résiliez ce contrat avec votre éditeur·ice, ça n'aura pas d'impact sur les cessions ou autorisations consenties par l'éditeur·ice à d'autres personnes. Comprenez que si votre ME a cédé des droits pour la traduction de votre ouvrage, le fait que vous résiliez votre contrat avec cette ME ne modifie en rien les autorisations de traduction.

En principe, la vente de vos livres sera d'abord versée à votre éditeur·ice qui vous versera à son tour le pourcentage auquel vous avez droit. Soyez vigilant·e aux modalités car certain·e·s auteur·ice·s ne touchent jamais le montant auquel iels ont droit ! Ça semble aberrant, mais c'est malheureusement le cas !
4.1 - Droit de reprographie
Déjà, qu'est-ce que la « reprographie » ? C'est l'ensemble des procédés permettant la reproduction directe d'un document. Ainsi, toute reprographie de votre œuvre donnera lieu à une rémunération qui devra vous être versée et qui sera mentionnée dans le détail de vos comptes par votre éditeur·ice.
4.2 - Droit de prêt
Le prêt concerne les emprunts dans des bibliothèques. Le droit de prêt vous donne le droit de percevoir une rémunération liée à l'emprunt de votre ouvrage.
4.3 - Copie privée
Je ne vais pas entrer dans le détail pour cette partie, je vous laisse lire ce qu'il en est dit dans le contrat.

Je vais vous simplifier cette partie pour vous aider à la comprendre. Votre éditeur·ice doit vous fournir un document détaillant les ventes et le pourcentage que vous touchez sur celles-ci (c'est un peu simplifié) tous les trois mois (donc 4 fois sur l'année). Vous recevrez ce document par courrier ou par email ou encore via une plateforme à laquelle vous aurez accès. Si vous ne recevez pas ce document dans un délai de 1 mois, vous avez le droit de vous plaindre, voire de résilier votre contrat. De même, si le document n'est pas conforme et/ou complet, vous avez le droit de résilier votre contrat (autrement dit : d'y mettre fin). Au maximum un mois après avoir reçu le document détaillant les ventes, vous devrez avoir reçu le montant qui vous est dû. Le montant versé sera déduit des éventuelles cotisations obligatoires. Vous devrez donc fournir différentes informations à votre éditeur·ice concernant votre situation sociale et fiscale.
Notez cependant que certaines ME font une clôture des comptes annuelle, surtout dans de petites structures.

Vous avez droit à une prime supplémentaire liée à l'exclusivité (c'est-à-dire le fait de ne pas faire éditer votre œuvre ailleurs) que vous avez consentie à l'éditeur·ice sur votre œuvre. Le montant de cette prime est indiqué dans le contrat.

7.1 - Vous déclarez résider en France et que le domicile que vous avez renseigné à la première page du contrat est bien votre domicile principal. N'oubliez pas de prévenir votre éditeur·ice si vous changez d'adresse. Notez donc que ce modèle de contrat s'applique à la France !

8.1 - Le contrat engage vos héritiers et vos ayants droit.
8.2 - Le contrat ne peut être ni transféré, ni cédé (si la ME venait à être reprise par exemple) sans votre autorisation préalable et écrite. Si vous n'étiez pas consulté·e ou pas d'accord, vous avez le droit de résilier le contrat.

Le contrat proposé par la Ligue est soumis au droit français. Attention donc à d'éventuelles modalités particulières si vous n'êtes pas français·e ou que la ME avec laquelle vous signez ne l'est pas !

10.1 - La résiliation du contrat intervient d'elle-même à l'expiration du délai mentionné dans le contrat (partie 1.2)
10.2 - Il existe néanmoins d'autres conditions qui permettent de résilier le contrat. Lisez-les bien parce qu'elles seront votre porte de sortie si besoin ! J'ai déjà cité certains éléments au fil de l'article.

11.1 - Vous cédez à l'éditeur·ice le droit d'imprimer, de reproduire, de publier et d'exploiter votre œuvre sous la forme d'un livre imprimé. Rappelez-vous de signer un autre contrat pour d'autres formes d'exploitation.
Si l'éditeur·ice ne tenait pas ses engagements, à savoir publier votre livre sous format papier, vous pourriez résilier le contrat.
11.2 - Vous cédez à titre exclusif, et ce pour la durée précisée dans le contrat, votre droit de reproduire l'œuvre pour l'édition principale (logique, puisque c'est l'objet même du contrat : octroyer ce droit à une ME). En revanche, vous restez titulaire de TOUS les autres droits de propriété intellectuelle, notamment de droit de reproduction dans un autre format (poche par exemple ou dans un autre modèle d'édition). Vous restez également titulaire de votre droit d'exploitation de l'ouvrage sous forme numérique (rappelons que ce contrat vise à la publication d'un ouvrage sous format imprimé). Vous pourrez bien évidemment conclure d'autres accords avec votre éditeur·ice moyennant contrat ou avenant au contrat. Enfin, vous vous engagez à accorder un droit de préférence à votre éditeur·ice en vue de cession future d'autres droits que ceux qui font l'objet du présent contrat.

Cet article définit le délai que l'éditeur·ice doit respecter pour faire publier votre manuscrit.

13.1 - L'éditeur·ice doit assurer une exploitation permanente et suivie de l'œuvre et une diffusion commerciale.
13.2 - Si l'éditeur·ice manquait à son obligation d'exploitation permanente et suivie de l'œuvre, le contrat pourrait être résilié.
13.3 - Si, malgré une exploitation permanente et suivie de l'œuvre, le chiffre d'affaires réalisé par l'éditeur·ice était inférieur à un montant convenu et textuellement précisé dans le contrat, vous seriez en droit de reprendre la libre disposition des droits cédés.

a) Exploitation directe par l'éditeur·ice des droits d'édition en France
Il est ici fait mention de ce que l'éditeur·ice doit à l'auteur·ice pour chaque exemplaire vendu. La Ligue conseille de ne pas descendre en dessous de 10% du prix de vente (au public) hors taxes. Le pourcentage appliqué peut être échelonné en fonction du nombre d'exemplaires vendus.
b) Exploitation directe par l'éditeur·ice des droits d'édition hors France : ce point concerne les ventes à l'export et les éditions internationales.

L'éditeur·ice pourra, avec votre accord écrit, bien entendu, accorder à des tiers des autorisations qu'iel jugerait nécessaires pour l'exploitation des droits que vous lui avez cédés. S'iel obtient votre accord, iel vous devra un certain pourcentage des recettes perçues dans le cadre de cette exploitation.

Il existe toute une série d'exemplaires dits hors droits, c'est-à-dire qu'ils ne sont pas soumis aux droits d'auteur. Sont compris dans cette liste : les exemplaires gratuits qui vous sont remis (qui sont d'ailleurs incessibles !), les exemplaires destinés au service presse (des lecteur·ices mandaté·e·s par la ME pour lire et donner leur avis sur votre récit), les exemplaires destinés à la promotion et à la publicité, les exemplaires destinés au dépôt légal et les exemplaires destinés à l'envoi des justificatifs.
Tous les autres exemplaires sont soumis aux droits d'auteur.

La mise au pilon, c'est la destruction des ouvrages. Eh oui, ça arrive ! Si l'éditeur·ice dispose d'un stock plus important qu'il n'est nécessaire pour satisfaire les commandes, iel pourra, avec votre accord, détruire une partie du stock sans résiliation du contrat. Notez que certaines ME fonctionnent désormais avec l'impression à la demande et ne disposent donc plus d'un stock qu'elles ne sont pas certaines de pouvoir écouler. Cette clause n'a donc pas lieu d'être dans ce cas. Notez également que l'éditeur·ice est en droit de détruire les exemplaires défectueux ou abîmés. Tous les exemplaires détruits devront être comptabilisés et mentionnés dans votre relevé de comptes.

Si l'éditeur·ice ne parvenait pas à vendre le stock, iel aurait le droit, moyennant votre accord, de détruire intégralement les ouvrages non vendus. L'auteur·ice peut demander un rachat à ses frais des exemplaires. Si les ouvrages sont détruits, l'éditeur·ice devra certifier qu'ils ont bel et bien été pilonnés et préciser le nombre d'exemplaires concernés.
IV – CONCLUSION



V – RESSOURCES ET ARTICLES CONNEXES
➳ Les articles de La Communauté des Mots à propos de l'édition
➳ Hackathon 2020
➳ La Ligue des auteurs professionnels
➳ Le contrat d'édition équitable
➳ Code de la propriété intellectuelle
➳ L'article de Clow relatif aux droits d'auteur
➳ Le modèle de contrat de cession des droits d'adaptation audiovisuelle de la SGDL
➳ Le droit d'auteur, vidéo explicative par la Ligue des auteurs professionnels
➳ Le contrat d'édition équitable décortiqué par Camille de Decker, l'éditrice de Beta Publisher
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➳ La Ligue des auteurs professionnels
➳ Le contrat d'édition équitable
➳ Code de la propriété intellectuelle
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➳ Le modèle de contrat de cession des droits d'adaptation audiovisuelle de la SGDL
➳ Le droit d'auteur, vidéo explicative par la Ligue des auteurs professionnels
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